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Sanction : publication de l’identité des opérateurs de plateforme non coopératifs

Affaires - Fiscalité des entreprises
24/01/2020
La loi de finances pour 2020 prévoit désormais la possibilité pour l’administration fiscale de publier sur son site internet l’identité des opérateurs de plateforme non coopératifs sous forme de liste.
L’article 149 de la loi de finances pour 2020 autorise l’administration fiscale à publier sur son site internet la liste des opérateurs de plateforme considérés comme non coopératifs car ayant fait l’objet d’au moins deux sanctions pour non-respect de leurs obligations fiscales sur le territoire français, y compris en tant que tiers déclarant, et cela en moins de 12 mois (CGI, art. 1740 D nouveau).

Un décret en Conseil d’État précisera ultérieurement les conditions d’application de ce nouveau dispositif qui concerne les opérateurs de plateforme en ligne définis à l’article 242 bis du CGI. Il s’agit de toute entreprise, quel que soit son lieu d’établissement, qui met en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service.

Déclenchement : deux manquements sanctionnés sur une période de 12 mois Les opérateurs ayant fait l’objet de mesures sanctionnant des manquements à certaines de leurs obligations fiscales peuvent faire l’objet d’une publication, sur une liste des opérateurs de plateformes non coopératifs, de leur dénomination commerciale ainsi, que le cas échéant, de leur activité professionnelle et de leur État ou territoire de résidence. Dans ce cas, cette publication accompagne la mise en œuvre de la seconde mesure.

La publication nécessite deux manquements préalables, au cours d’une période glissante de 12 mois, et ayant conduit :
– soit à la mise en œuvre, après signalement et mise en demeure, du mécanisme de solidarité de TVA lorsque l’administration présume une fraude de l’un des utilisateurs de la plateforme (CGI, art. 283 bis, IV et CGI, art. 293 A ter). Dans ce cas, la mise en demeure mentionne expressément la sanction de publication ;
– soit à l’application de l’amende de 10 000 € (CGI, art. 1734, al. 1) pour absence de réponse à une demande de l’administration fiscale dans l’exercice d’un droit de communication non nominatif (LPF, art. L. 81) ou du droit de communication spécifique à l’égard des opérateurs de plateforme (LPF, art. L. 82 AA) ;
– soit à l’application de l’amende proportionnelle (CGI, art. 1736, III) au titre du non-respect des obligations de transmission d’informations aux utilisateurs et à l’administration fiscale (CGI, art. 242 bis, 2° et 3°) ;
– soit à la taxation d’office à la TVA, en cas de défaut de déclaration, au titre de certaines ventes que la plateforme a facilitées et dont elle sera redevable (biens importés de moins de 150 € et livraisons domestiques ou ventes à distance intracommunautaires par un vendeur non établi dans l’Union européenne) (CGI, art. 293 A, 1 ;
CGI, art. 256, V, 2°) : dans ce cas, la notification visée à l’article L. 76 du LPF mentionne la sanction de publication ;
– soit enfin à la taxation d’office au titre de la taxe sur les services numériques (TSN) en cas de défaut de déclaration (LPF, art. L. 70 A). Dans ce cas, la mise en demeure de produire ou compléter sa réponse mentionne la sanction de publication (LPF, art. L. 16 C modifié).

Décision de publication et modalités
La décision de publication par l’administration fiscale est prise après avis conforme et motivé de la commission des infractions fiscales (CIF), qui apprécie, au vu des manquements et des circonstances dans lesquels ils ont été commis, si la publication est justifiée (CGI, art. 1740 D, III nouveau ; LPF, art. L. 228 modifié).

Une copie de la saisine de la commission est adressée à l’opérateur de plateforme, qui est invité à présenter à la commission ses observations écrites dans un délai de 30 jours.

La notification de la décision de publication à l’opérateur mentionne la sanction envisagée, ses motifs et la possibilité de présenter ses observations dans le délai de 60 jours à compter de ladite notification. La publication ne peut intervenir avant l’expiration de ce délai.
La durée de publication sur le site internet de l’administration fiscale ne peut excéder 1 an. La publication cesse lorsque l’opérateur a acquitté l’intégralité des impositions ou amendes ayant motivé la publication. Par ailleurs, l’administration doit rendre publique sur son site internet toute décision juridictionnelle prononçant la décharge d’une telle imposition ou amende.

Entrée en vigueur
Cette nouvelle disposition s’applique aux manquements constatés à compter du 1er janvier 2020.


 
COMMENTAIRE
Dans un contexte mondialisé marqué par l’importance accrue de la communication des entreprises autour du respect de leurs obligations sociales, environnementales et fiscales, la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a renforcé la publicité de la sanction fiscale, introduisant notamment une procédure qui relève du « name and shame » anglo-saxon. Ainsi, l’article 1729 A bis du CGI permet désormais à l’administration fiscale de publier les sanctions qu’elle prononce à l’encontre de personnes morales à raison de manquements graves, caractérisés et à caractère frauduleux, cette publication étant toutefois écartée en matière de fraude fiscale (L. n° 2018-898,
23 oct. 2018, JO 24 oct., art. 18).
Le nouvel article 1740 D du CGI enrichit les outils à disposition de l’administration fiscale d’un nouveau dispositif spécifiquement dédié aux opérateurs de plateforme numérique afin de s’assurer de leur pleine coopération tout en informant les consommateurs, et plus largement les citoyens, de l’identité des plateformes les moins respectueuses de leurs obligations fiscales, dans un but de transparence et d’amélioration de la concurrence dans le secteur de l’économie numérique.
Toutefois, ce mécanisme s’inscrit dans une logique différente de celle du « name and shame » puisqu’il ne s’agit pas d’un complément à la sanction administrative, mais d’un aiguillon pour inciter le contribuable à se conformer rapidement à ses obligations fiscales et, par voie de conséquence, sortir de la liste. À cet égard, la terminologie retenue par le législateur rappelle celle des États et territoires non coopératifs (ETNC). Enfin, s’agissant d’une sanction, cette publication est entourée des garanties propres à assurer le respect des droits de la défense, au travers notamment de l’intervention pour avis conforme de la CIF et de l’information préalable de l’opérateur sur le projet de publication.
Source : Actualités du droit